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Vivrauxantilles

28 juillet 2009

Les "Syriens" de Martinique

Ces créoles d’origine moyen orientale Syriens en Martinique, Z'arabes en Guadeloupe: ce sont là autant de dénominations génériques créoles, qui regroupent les membres d'une communauté antillaise d'origine arabophone, en majorité moyen orientale. «Notre région d'origine, la Syrie, est héritière des Phéniciens, annonce Claude Yacoub, cet architecte qui se dépense sans compter, pour que sa communauté se fasse mieux connaître du grand public martiniquais. C'est nous qui avons inventé le commerce, au sens international du terme et c'est pourquoi depuis l'antiquité, nos navigateurs et commerçants, ont sillonné le monde. Aucun étonnement donc à ce que dès la fin du siècle dernier, on retrouve nos commerçants ici et ailleurs aux Antilles »? À l'époque, tous croyaient partir en Amérique De fait, si les archives relèvent un mariage fait en Martinique par un Syrien, à la fin des années 1880, le grand « rush » se situe au début des années 1920 et s'explique par la situation politique et économique de cette région, à cette époque. Les hommes partent chercher du travail et nourrir une famille restée sur place (ce qui explique les voyages réguliers entre le pays d'adoption et le village d'origine). En majorité, ils viennent de l'intérieur des terres de la Syrie, souvent d'un village appelé M'balké. Ce qui explique tout d'abord l'absence de produits de la mer, dans leur gastronomie; puis que ces descendants de Phéniciens ne s'impliquent pas dans des secteurs comme la pêche, ou les affaires maritimes. Ils font du commerce. À l'époque, la Grande Syrie est sous protectorat français et à Tartouze, la ville principale de la région, des affiches invitent les hommes à aller dans les « colonies d'Amérique ». Des années avant déjà, une forte communauté s'est expatriée en Amérique, où elle a été embauchée dans les mines, puis à la construction du chemin de fer. On peut dire que chacun a son oncle d'Amérique. Alors, ils signent pour l'Amérique, sans savoir qu'ils se dirigent vers les Antilles. Des semaines d'un voyage au bout du monde Toute une expédition, qui souvent coûte cher aux familles qui se cotisent pour envoyer leur fils, leur frère ou leur mari, chercher fortune au bout du monde. D'abord le voyage de plusieurs semaines, en passant par la Palestine, l'Égypte, la France hexagonale. Là ils débarquent à Marseille, séjournent quelques jours à l'hôtel, puis prennent le train jusqu'au port d'embarquement, vers les Antilles. Tout cela, sans connaître un seul mot de français. Mais ça n'a pas d'importance, puisqu'avant le départ la famille a financé la totalité du voyage, à la manière des «packages» des agences de voyage. Payée aussi au préalable, la caution de moralité sans laquelle on ne peut résider sur sol français. Ibrahim Chammas, arrivé en Martinique en 1939 se souvient qu'elle était de quatre mille deux cents francs, gage de la bonne conduite du nouvel arrivant, qui était rapatrié à la moindre incartade. «C'est pour cela sûrement que notre communauté s'est toujours bien conduite et a toujours eu un respect scrupuleux des lois du pays d'accueil. Dès qu'un différent risque de survenir, on se réunit et on essaie de tout régler », explique Lucien Farrez-Naklé, un des anciens de la communauté. La tête bourdonnante de ce long voyage, ces premiers arrivants débarquent à Fort-de-France, à la Pointe Simon. Ils se croient aux U.S.A. et mettront parfois des semaines avant de réaliser qu'ils sont sur une île. Mais ils n'ont pas le temps et doivent travailler, pour envoyer de l'argent à ceux restés là-bas, pour qui ils sont « les Américains ». Le fameux quiproquo identitaire « Il est amusant de remarquer que jusqu'à maintenant dans nos villages, tous ceux qui sont partis sont appelés "Américains", même si comme pour mon père, il s'agissait de l'Afrique », note Michel Katoun, un commerçant d'origine libanaise dont les parents se sont établis en Guinée. Au niveau de l'identité, rien n'est fait à l'époque pour arranger les choses, car tout débute souvent par un quiproquo, ne serait-ce qu'au niveau du nom. Dans le système arabe, l'identité d'un homme se décline par le prénom, suivi du nom de famille. Pour l'administration française, c'est l'inverse. Ce qui fait que bien souvent, ces « Américains » se sont vu attribuer officiellement en Martinique, des noms de famille qui n'étaient que leur prénom, les obligeant des années plus tard, à intenter des actions en justice, afin de retrouver leur identité. Mais ça, c'est bien après leur arrivée aux Antilles. La barrière de la langue explique le repli sur soi Alors, les « Américains » débutent dans leur terre d'adoption, par l'activité de leurs ancêtres: le commerce. Certains s'établissent à la rue François Arago, à Fort-de-France et les autres sillonnent l'île en faisant du porte à porte, dans des tournées de plusieurs jours où, le soir on demande asile pour dormir; et se faisant lie connaissance avec la population des mornes. Cela explique le fait que ces premiers arrivants s'expriment en arabe et en créole, peu en français, car ce n'était pas la langue des mornes et du commerce. Cet aspect linguistique, fruit d'une nécessité d'être opérationnel dès son arrivée, fera que les anciens de la communauté éviteront de trop se mêler à la population citadine, l'usage du français « académique » leur étant difficile. « Bien que nous nous sentons Martiniquais, que certains des nôtres comme Ibrahim Chammas ne sont jamais retourné au pays, nous sommes longtemps restés un peu en retrait des autres. La barrière linguistique fait qu'un ancien hésitera à parler officiellement, car il aura peur de faire des fautes de langage et paraître ridicule », note Raymond Karraz un médecin de la troisième génération, né en Martinique; mais ayant fait ses études secondaires en Syrie et sa médecine en France. Les Syro-Libanais travaillent en créole, se détendent en arabe et forment peu à peu une communauté soudée, dont l'épicentre n'est autre que la rue François Arago, que certains décideurs veulent rebaptiser « rue des Syriens ». Pourquoi cette rue plutôt qu'une autre? S'établir et avoir un magasin Deux explications à cet état de fait, que tout Foyalais reconnaît comme étant du patrimoine de l'île. Selon Claude Yacoub, cela viendrait tout simplement du fait que cette rue qui aboutit à la Croix Mission, d'où partaient les taxis de commune, débute à la Pointe Simon, où se trouvait la douane, d'où sortaient les nouveaux arrivants. Pour d'autres, dont Lucien Farrez Naklé, cette concentration vient de l'histoire de cette rue. C'était la plus commerçante de la capitale et il était impensable de s'établir ailleurs, si l'on voulait ouvrir un magasin. Et de bouche à oreille, on se communiquera les locaux à vendre: le porte à porte n'éant considéré que comme un pis aller, avant de s'établir et de faire venir sa famille. Moussah Yacoub, arrivé au milieu des années 50, refusera de faire du porte à porte. Venu rejoindre son père et lui permettre de retourner chez lui, il n'acceptera de rester qu'à la condition que soit ouvert un magasin. Ce qui ne l'empêchera pas pourtant de faire des tournées dans les communes, avec sa Peugeot. Mais comme tous, il avait son local, signe d'un établissement et d'une intégration à la société martiniquaise. Un peu comme les Italiens et les Irlandais d'Amérique Les enfants de Moussah, comme ceux de la plupart de ses congénères ne seront pas commerçants, préférant s'orienter vers les lettres, la médecine ou la politique. Nés en Martinique, parfaitement intégrés dans les deux cultures et possédant souvent une double nationalité, les hommes de cette nouvelle génération « Syrienne », sont un peu comme ces Italiens ou ces Irlandais des U.S.A., qui fêtent la saint Patrick à Manhatan, préservent un culte de leur région d'origine, mais sont d'authentiques Américains. « Nous sommes partout et dans tous les domaines, puisqu'un président d'Amérique centrale est d'origine syrienne. Nous venons, respectons le pays d'accueil, nous intégrons à la vie du lieu où nous sommes, nous marions souvent avec des locaux, mais toujours, nous apprenons à nos enfants, l'histoire et la culture de notre pays d'origine », conclut Lucien Farrez-Naklé. Ils sont Martiniquais, mais comment pourraient-ils oublier qu'ils sont les héritiers des Phéniciens et que leur capitale Damas, est l'une des plus vieille ville du monde? C'est peut-être ce qui explique qu'en grande majorité et même s'ils sont nés en Martinique, ces hommes et ces femmes sont bilingues, détenteurs d'une double nationalité et retournent régulièrement dans le village de leurs ancêtres où, «Américains», ils sont reçus à bras ouvert. @Texte:Éric Hersilie-Héloïse. Encadré: Syriens, Arabes ou Moyen orientaux? Dans le langage courant de l'île, le terme Syrien n'a rien de péjoratif, voire xénophobe, puisqu'il désigne une des nombreuses composantes de la population. Pourtant, durant longtemps il a été mal perçu et souvent mal vécu par ceux-là même à qui il s'adressait. Syrien serait synonyme de marchand ambulant, avec une prédilection pour le textile? Notons qu'au début du siècle dernier, quand les premiers membres de cette communauté débarquent en Martinique, ce sont les Italiens qui détiennent le monopole du colportage et naturellement, ces originaires de la Grande Syrie, sont appelés «z'Italiens». Cette Grande Syrie, dont les précurseurs sont originaires, explique le néologisme actuel. Mais de nos jours, le Liban, la Palestine, pour ne citer qu'eux sont arrivés. De fait, un Syrien n'est pas Libanais. Alors, doit-on parler d'Arabes ou de Moyen-Orientaux? Les Turcs ou les Israëliens, venant de la même région géographique, ne font pas partie de cette communauté. À l'inverse, les Algériens, Tunisiens et Marocains, d'Afrique du Nord, font partie de la communauté. Doit-on alors parler d'une communauté religieuse musulmane? La majorité des premiers membres de ce groupe est catholique orthodoxe. Le lien donc est linguistique: l'arabe. Mais voilà, ceux de la troisième ou quatrième génération, bien que faisant partie intégrante de la communauté, ne parlent pas tous arabe. Mais, revendiquent le terme de Syrien, tout comme les Indiens qui depuis longtemps ne précisent plus s'ils sont d'origine arienne ou dravédienne, pakistanaise ou bengalie? Encadré Une immigration étagée Bien qu'aucune étude précise ne soit encore parue sur le sujet, il est possible de « cerner » la communauté syrienne, tant au niveau numérique, qu'à celui des origines. Au début du siècle, on note une première vague venant essentiellement de ce qui deviendra plus tard le Liban et la Syrie. Pour la plupart, ils sont catholiques orthodoxes, mais ne pourront jamais avoir d'église de leur religion, car pas assez nombreux. Aujourd'hui encore, ils dépendent du patriarche du Vénézuéla, où la communauté orthodoxe est très importante. Si en majorité, ces hommes et ces femmes arrivent directement du Moyen Orient, il faut noter qu'une partie vient d'Europe où elle était déjà installée depuis longtemps et avait prospéré. En Martinique, ils formeront « l'aristocratie » de la communauté, car aisé et surtout possédant parfaitement la culture française. Parmi eux, on cite la famille Jaar, représentative d'une bourgeoisie tout à fait intégrée et servant de relai entre les nouveaux arrivants et la population citadine. Une seconde vague est identifiée dès la fin des années 40 et se singularise par une diversification des origines. Ce ne sont plus que des Syro-Libanais, mais aussi des Palestiniens, puis plus tard, des Nord Africains. Aujourd'hui, on estime que cette communauté est forte de deux cents familles, réparties sur toute l'île, les grosses concentrations étant Fort-de-France et le Lamentin.
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28 juillet 2009

Immigration chinoise en Martinique

L'immigration chinoise en Martinique Le Martiniquais est tout, sauf une race. Par contre, c’est le fruit d’un formidable brassage racial et culturel, dont l’un des composants est l’Asie. On pense tout de suite à l’Inde? Mais il y a aussi la Chine, dont l’immigration en Martinique, bien que peu nombreuse en regard des autres communautés, est tout de même fondamentale, pour la compréhension de l’histoire martiniquaise. A la différence d'autres communautés de ce qu'il faut bien appeler le "melting pot martiniquais", les Sino martiniquais sont assez discrets en ce qui concerne leur arrivée dans l'île. Pourtant, à croire les rares études qui ont été faites sur la question leur immigration est directement liée à l'abolition de l'esclavage et au système d'engagement mis alors sur pied. Pour mémoire, ces engagés viendront d'Inde, de Chine, mais aussi d'Afrique sous l'appellation locale de “nèg Guinée” ou “nèg Congo”. En Guadeloupe, on verra même un contingent d'engagés japonais, qui ne s'installera pas dans l'île, mais demeurera dans les mémoires comme l'organisateur de la première grève sur le port de Pointe à Pître. Ces engagés de la seconde moitié du XIXème siècle, arrivent tous dans l'île avec un contrat de huit ans. C’est une différencie d'avec les esclaves bien sûr; mais surtout d'avec leurs homologues angagés des premières heures de la colonisation, venus ici pour une durée de trois ans. En deux siècles, on avait dû réaliser que trente-six mois, c'était décidément trop court, pour amortir l'amortissement d'un investissement en maind'oeuvre ultramarine...Surtout que le transport de cette main-d’oeuvre orientale, s’avérait éminemment onéreux! Alors que les composantes indienne et africaine de l'immigration post-1848 arrivent en une seule vague majeure dans l’île, pour la communauté d'origine chinoise, on répertorie trois étapes; la principale se situant en 1858 et 1860. Notons au passage, qu’en 1858 M. O’Lanyer s’était engagé à importer six cents chinois dans l’année et que MM. Gastel, Malavoi et Assier garantissaient l’immigration de dix mille engagés en cinq ans. Nous serons loin du compte! En effet dix ans après l'abolition de l'esclavage, trois navires, le Fulton (septembre 1859), l'Amiral Baudin (septembre 1859) et le Galilée (3 juillet 1860), transportent en tout neuf cent soixante dix-huit engagés chinois. Ils proviennent de Shangaï pour les deux premiers "convois" et Canton pour le dernier. Un seul de ces immigrants, bénéficiera du rapatriement en fin de contrat. On note aussi, que lors du voyage du Galilée, un médecin et maître d'école du nom de Yung-Ting, s'engage "en retour des avantages qu'on a promis de lui faire obtenir à la Martinique” à traiter les émigrants malades pendant la traversée. C'est grâce à la personnalité de cet homme, que les nouveaux arrivants chinois seront dispensés de travailler dans les champs de canne, pour la plupart... Et se dirigeront naturellement vers les agglomérations et le commerce. La seconde vague d'immigration chinoise est elle plus politique. Elle trouverait son origine dans la scission qui s'est produite au cours des années 30 entre Tchang Kaï Chek et Mao Tsé Toung. Là encore, peu de traces sinon orales et le souvenir que ces hommes et ces femmes fuyaient le communisme. Pourquoi ont-ils abouti ici, plutôt qu’ailleurs? Tout d’abord il faut préciser qu’à la différence de leurs prédécesseurs du XIXème siècle, ce ne sont pas des hommes qui "louent leur force de travail". Plutôt des nantis, ou tout au moins des bourgeois. Une catégorie sociale supérieure. Pour eux, les Antilles c’est l’Amérique, ou plus précisément une zone limitrophe. D’ailleurs, on cite encore l’histoire du patriache de cette famille aujourd’hui bien martiniquaise, qui au départ de Chine, voulait se rendre aux U.S.A. Comme à cette époque les lois sur l’immigration étaient très strictes, il décidera de s’établir en Martinique; le temps que “les choses se calment". Aujourd’hui ses petits-enfants sont d’authentiques Martiniquais, que leur place dans la société permet d’influer sur l’avenir de l’île. Certains autres, aboutiront ici, après une période de transit en Guyane. Vraisemblablement, ils avaient là des parents, la communauté d’origine chinoise dans ce pays étant nettement plus nombreuse et peut-être conservatrice, qu’en Martinique. Enfin et c'est là la troisième vague, les membres de la communauté parlent d'une immigration chinoise venue de Guyane. Mais peut-on parler réellement d'immigration chinoise, sachant qu'il y a toujours eu un fort courant d'échanges entre la Guyane et la Martinique, dans cette population? Courant qui débute très tôt, puisque dès 1860 cent Chinois du convoi Galilée, sont "placés" en Guyane, terre par laquelle transiteront de nombreux immigrés de la seconde vague. @Eric Hersilie-Héloïse
30 juin 2009

parlons culture créole

Identité, conscience collective et créolité Si les concepts d’identité créole et de conscience collective paraissent provocateurs voire utopiques à certains, c’est qu’ils ne sont simplement que novateurs. Ça dérange un conformisme ambiant qui refuse toute remise en question. Une attitude que l’on retrouve à tous points de l’échiquier ethnique martiniquais. Considérons un carrefour où aboutit un nombre « x » de routes. Le carrefour, c’est nous, c’est notre histoire insulaire -il est fondamental de comprendre le concept de l’insularité, sur la perception du monde ; il explique que nous ayons des approches des choses si différentes d’avec les Guyanais continentaux- c’est notre identité ; les routes étant les différentes ethnies qui sont arrivées ici au fil des siècles et qui s’y sont installées. Et adaptées au milieu et aux autres ethnies ; jusqu’à former un tout plus ou moins harmonieux, mais obligatoirement évolutif, qu’on appelle « créolité ». Un miracle ou une malédiction, selon le côté où l’on se place ; car aucune des ethnies qui se sont installées ici n’en est ressortie indemne : elles ont toutes été créolisées. La créolité c’est cette alchimie qui s’est faite entre un milieu, une histoire et surtout un nombre déterminé d’ethnies interférant les unes sur les autres.C’est ainsi qu’aujourd’hui un Nègre ne peut valablement se dire Africain ; ni un Béké Normand ou Breton ; ni un couli Indien. Nous avons une identité collective créole. Néanmoins n’étant pas des corps solubles, mais des hommes, à cette identité collective se greffent des pics spécifiques ethniques : pour certains il s’agira d’indianité avec festins indiens, pour d’autres, de négritude et l’on valorisera des danses comme le danmyé, etc. Le plus important dans tout ce processus est la tolérance. Cet autre, coolie, syrien, béké, chinois est un élément constitutif de notre être. Vouloir faire abstraction de l’autre, revient à se priver d’une partie de soi. Ainsi, le béké est un blanc « négrifié », qu’il le veuille ou non. Et ainsi de suite. Le Martiniquais est tout sauf une race : c’est une histoire, un territoire, une culture (créole), mais pas comme en Afrique et ou en Europe, une race. Sans oublier le territoire : ce bout de terre au milieu de l’océan qui fait que nous sommes condamnés à vivre ensemble, se comprendre et s’accepter. Maintenant que nous avons survolé les constituants objectifs de ce que nous sommes arrive le fait humain : est-il conscient ou pas de ce qu’il est. Problème vieux comme le monde, puisque dans la Bible on trouve ces deux préceptes : « CONNAIS-TOI TOI-MÊME et DEVIENS QUI TU ES ». C’est cette conscience de soi, dans le processus de la créolité qui donne la conscience collective. Et surtout parfait le concept de Pays. Le terme de pays n’a rien de révolutionnaire, ni indépendantiste, sinon la France hexagonale frémirait en prononçant « Pays d’Arles » ! Bien au contraire, c’est une donnée mise en évidence par le professeur de droit constitutionnel Maurice DUVERGER. Concept répondant à des critères exclusifs : un territoire, une histoire, une population, une langue et un vouloir vivre ensemble, du fait de cette conscience collective de l’identité. Le fait nouveau réside dans cette prise de conscience : nous sommes créoles, ce qui veut dire tout sauf une race. Dur à admettre pour certains qui vivaient par procuration (Mama Afrika, inde mythique, Normandie imaginaire). Certains vivent avec leur temps, d’autres ont du mal et certains restent bloqués sur un conformisme antédiluvien. Voici la période que nous vivons actuellement. @Eric HERSILIE-HELOISE
29 juin 2009

Le plus vieil hopital de Foyal

Le plus vieil hôpital de Fort-de-France

Le Parc Floral, siège du SERMAC depuis 1976 (Parc Aimé Césaire depuis 2009) est, pour les amoureux du patrimoine, le site du plus vieil hôpital de Fort-de-France, puisqu'il a été bâti en 1722. Mais jamais structure médicale n'a été si mal située ! Ce qui fait que durant plus d'un siècle, son existence a eu tout l'air d'une aventure picaresque ; Avant que la guerre du Mexique en fasse un hôpital militaire de pointe, dans les années 1860.

Promenez-vous dans les jardins du Parc Floral, en fin d'après-midi et plissez juste un peu les yeux. Cette quiétude, cette architecture?…. Vous êtes dans le domaine d'un hôpital colonial ! Ou du moins ce que la mémoire a retransmis, pour arriver jusqu'à nous.

Dès la seconde moitié du XVIIème siècle, les colons décident de bâtir un hôpital dans l'île, pour les militaires, les marins et les employés du roi. Ce sera celui de Saint-Pierre. Très vite, on se rend compte qu'il faut en construire un autre à Fort-de-France, le Fort Royal d'alors, seconde ville de garnison de l'île. C'est chose faite en 1722 et très vite, il devient l'hôpital le plus important de l'île, avec deux cent soixante-dix lits ; Avant Saint-Pierre, le Marin et Trinité. Normal, puisque c'est là qu'y est cantonnée la majorité des troupes !

Ce qui l'est moins, c'est que c'est le plus décrié, pour son insalubrité et sa tendance à propager les épidémies. Mal situé, mal protégé, il passera la majorité de sa vie à être l'objet de propositions de destruction, pour être transféré ailleurs.

         Tout, pour le moral des troupes

Imaginez un hôpital situé dans une cuvette, borné à l'ouest par

la rivière Levassor

, à l'est par le cimetière de la ville et au nord par celui de l'hôpital. Au sud, se trouve une allée de tamariniers, qui se prolonge jusqu'à la porte d'entrée: Face au pont dit De l'hôpital. En principe, c'est un lieu de promenade pour les malades, mais hivernage c'est un cloaque et toute l'année, les exhalaisons du canal en font un lieu pestilentiel. Tout ça, sans mur d'enceinte, puisque, comme l'atteste une inscription faite dans la pierre, sa construction ne date que du XIXème siècle. Tout autour, c'est la canne à sucre, puisque ce sont les terres du sieur Sainson Sainville. Pour parfaire le tableau, il faut savoir que seul un chemin sépare l'hôpital, du cimetière civil, que les locaux de soins et de repos sont situés sous le vent des deux cimetières… Et que les mises en terre, se font sous les yeux des convalescents. Tout ce qu'il faut pour le moral des troupes !

Initialement composé d'un bâtiment unique, il a deux niveaux dont un rez-de-chaussée non exhaussé, ce qui fait qu'en hivernage les lits des malades flottent !

En 1802, alors que l'île est reprise aux Anglais, le gouverneur de l'époque débute des travaux de réfection. Sept ans plus tard, lorsque les Français évacuent l'île, les lieux semblent en bon état, mais Forbel le directeur anglais des services de santé, décide de le désaffecter et de transférer l'hôpital militaire au fort Bourbon. Seules quelques familles de couleur, y vivent avec l'autorisation du gouverneur.

En 1814, lorsque les Français reviennent, l'hôpital est dans un tel état de délabrement, qu'il est surnommé "le tombeau des Européens". Le chef du génie d'alors, Garcin, propose de fermer définitivement l'hôpital, tandis que le Dr Lefort obtient du comte de Vaugirard, gouverneur de l'île, que l'on transfère momentanément les malades au fort Bourbon : le temps de réparer l'hôpital de

la Croix Mission. L'établissement

reste vide tout l'hivernage 1815 et de légères réparations y sont faites.

              Enfin, un mur de clôture !

On ne parle plus de transfert d'hôpital, jusqu'à l'arrivée du gouverneur Donzelot en 1818. Décidé à prendre le taureau par les cornes, le 7 mars de la même année, il nomme une commission chargée de trancher

la question. Quelles

sont les causes d'insalubrité, peut-on y remédier sinon, quel cite choisir comme emplacement d'un nouvel hôpital ? Comme d'habitude en pareilles occasions, personne n'est d'accord. Alors le gouverneur nomme une seconde commission, cette fois composée de praticiens, puisqu'on y retrouve Lefort médecin du roi à Fort Royal, Gaubert médecin du roi à Saint-Pierre, Achard pharmacien du roi et Cuppé chirurgien major de la 88ème légion. Tous penchent pour un déplacement de la structure et un projet réalisé par l'ingénieur Dugué est même approuvé. Le gouverneur tranche en faveur du maintien dans les lieux, assorti d'un plan d'assainissement de la ville et de l'hôpital. Il s'agit d'exhausser le sol de l'hôpital, donner un autre emplacement au cimetière, combler le canal d'enceinte et en creuser un autre plus au nord. C'est le début des grands travaux. Modification des salles, construction d'un pavillon neuf en 1830 par Sainte-Luce et sept ans plus tard, d'un mur d'enceinte. Pour ce dernier point, la décision vient du fait que la maladie la plus courante est la dysenterie  et qu'il est difficile de prévoir une guérison, alors que les vendeurs de tafia viennent faire leur commerce, dans l'hôpital !

           Le Trabaud naît à cette époque

Tout ça n'empêche que l'hôpital est sous le vent de deux cimetières, dont celui civil qui n'est toujours pas clôturé ? En 1840, le gouverneur décide de son déplacement et opte pour un lieu appartenant au sieur Trabaud. C'est de là que vient l'origine de nos deux cimetières foyalais, le plus ancien se payant le luxe d'une double dénomination : cimetière de

la Croix Mission

ou cimetière des Riches. Allez savoir pourquoi ?

Toujours est-il que les choses ne se sont pas passées aussi vite ! En 1840 Auguste Lemaire, qui vient de succéder à M. de Leyritz à la tête de la municipalité foyalaise, ne l'entend pas de cette oreille. Le cimetière ne le gêne pas, puisque sa demeure est placée au vent des mauvaises odeurs et que pour la vue, une colline lui masque le spectacle. Alors il propose de construire un mur d'enceinte au cimetière civil et d'en rester là. Voilà pourquoi le Trabaud mettra tant de temps à voir le jour!

A y regarder de plus près, ce cimetière et cet hôpital qui lui fait face, ont eu pendant longtemps la même histoire ? Celle d'un déménagement annoncé et toujours repoussé. Rien à voir avec l'histoire de l'hôpital de Saint-Pierre! Lui se paiera le luxe de pas moins de quatre déménagements en moins d'un siècle ! Construit en 1655, sur la rive sud de la Roxelane, il est rebâti au Mouillage en 1684. Détruit par le feu en 1738, il est reconstruit un peu plus loin, à l'écart du centre ville et sous l'abri des morne. C'est peut-être le souvenir de cette "bougeotte", qui explique l'attitude des décideurs, quand il s'est agit du sort de Fort-de-France?

©ERIC HERSILIE-HELOISE.

 

Hors-texte

Des malheurs dès le début

En

1723, l

'intendant Bénard déclare: "L'hôpital de cette ville est si fortement menacé d'être sapé par les débordements de la rivière, que j'ai cru qu'il était de mon honneur de faire un effort pour conserver à sa majesté une maison que j'ai eue tant de peine à faire bâtir". Il fait donc creuser un canal pour protéger l'hôpital. Mais c'est insuffisant et le nouvel intendant, Blondel de Jouvancourt doit refaire les travaux.

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29 juin 2009

79 ans de Terres-Sainville

Allocution du 27 juin 2009 à l'occasion du la fête des Terres-Sainville

Monsieur le représentant des Terres-Sainville, Madame mademoiselle monsieur, je suis honoré à plus d'un titre d'être ici, ce soir devant vous, avec vous.

Lorsqu'il y a quelques semaines, Raphaël Séminor, votre conseiller général m'a demandé de faire une allocution sur les Terres-Sainville, je me suis dit: "C"est pas une petite affaire".

Surtout qu'initialement l'éminent historien Sainvillien Gilbert Pagot devait aussi prendre la parole.

Lui mon aîné,  lui qui a vécu les fêtes des Terres-Sainville, à l'époque de Gran zong' ce séancier réputé pour son grand livre qu’il faisait parler avec un fouet : cet homme qui s’est pendu à la suite d’une histoire sordide, à l’aide de sept cravates de couleur différentes.

Période des rond' danmyé qui se déroulaient sur cette place baptisée abbé Grégoire en décembre 1950 et où ce combattant de Bec en or imposait le respect.

Et nous voilà, en cette première année de renaissance de la fête des Terres-Sainville. Mitan d'une longue histoire puisqu'il y a exactement 79 ans, le 23 juin 1920 le maire Victor Sévère achetait  le faubourg Thébaudière encore appelé la Trénelle ou Terres-Sainville.

Pour bien comprendre TSV, il faut appréhender Foyal. Paradoxal non? Mais c'est comme ça.

1835 un tremblement de terre anéanti l'en ville. On décide de la rebâtir en bois pour plus de légèreté. En 1890 la capitale est détruite par un incendie débuté à la cour Sully de la rue Blénac dans la chambre d'Adeline Hercule. C'est de ce jour qu'apparaissent sur le fronton des maisons, ces "x" indiquant les poutres maitresses.

Mais il faut une fois encore reconstruire et le 18 aout 1891 l'île est ravagée par un cyclône: 400 morts à Foyal.

On a atteint le paroxysme? Le 8 mai 1902 la Pelée explose: Foyal devient le seul refuge des populations sinistrées, ces immigrés de l'intérieur

Cette situation que nul n’avait envisagé pousse à hâter la réalisation d’un vieux projet de l’Edilité foyalaise : le quartier des Terres – Sainvilles est acheté par la Ville, assaini, loti. Le maire, Victor SEVERE, en fait une « Cité ouvrière ». Il écrira que c’était « son rêve entêté dont la pensée l’a soutenu à travers toutes les vicissitudes de la vie politique ».

En fait force est de dire que Foyal s'engage dans une longue aventure où les spéculateurs immobiliers s'en donnent à coeur joie.

Exessif me direz-vous? Le 16 janvier 1904, la société du Faubourg Thébaudière achète ce terrain aux enchères, pour au prix de 100 000 francs…Seize ans plus tard, lorsque se conclue l'affaire avec la mairie foyalaise les prix ont grimpé de 850%, puisque le terrain sera vendu à 850 000 francs.

Terres-Sainvilleau début du siècle dernier

Ici et là, j'ai vu écrit que la mairie aurait acheté ici aux héritiers du baron Sainville. En fait les choses sont un peu plus compliquées. Ce terrain en forme de polygone de 30 hectares, limité à l’est par le chemin "le pavé", plus au nord, par le canal de la Trénelle et à l’ouest par la route coloniale et l’hopital militaire (actuel parc floral) appartenait au début du siècle dernier aux héritiers Lacalle; qui l'avait acquis de  Jacques Sainson Sainville.

Un homme remarquable, puisqu'avant 1848, avec son frère il affranchit les esclaves qu'ils avaient ici et au François, crée un système de colonat partière. Et surtout invente une bourse de paiement de la canne, selon le taux de sucre. C'est le système pratiqué actuellement au Galion. On pourrait parler durant des heures des frères Sainville. Comme de certains békés remarquables de cette époque.

Mais revenons en cette année 1904. Les héritiers Lacalle on fait faillite et la société Faubourg Thébaudière dirigée par Mary de Berry rachète. C'est un business!

Nous avons là une société composée de 1120 actionnaires dont 120 résident en Martinique, dont l'activité est de tirer profit de la misère. Il n'y a pas d'autres mots, puisque là résident plus de 6000 âmes entassées dans des maisonnettes louées de 30 à 60 francs par mois. C'est de là que naît le nom "Quartier des misérables".

Et c'est là qu'intervient Joseph Lagrosillière

                        Joseph Lagrosillière

On oublie souvent que ce Samaritain du Morne des Esses a été pendant longtemps conseiller municipal de Foyal et attaché aux Terres-Sainville. Sans aller plus loin, rappelons-nous que le 15 octobre 1908, il émet le voeux que l'administration autorise la ville à faire un prêt de quinze cent mille francs pour assainir le quartier. Ce qui est acquis.

Autre action: il sera le premier à exiger que les rues de Foyal puissent porter des noms  de personnalités local.

Enfin, c’est le 6 novembre 1908, grâce à Joseph Lagrosillière, alors conseiller municipal, qu’est décidée la célébration l’abolition de l’esclavage à Foyal. Et c’était ? le 27 avril, date du décret d’application

A ce sujet, il faut savoir qu'en 1945 Gabriel Henry, secrétaire de la fédération du PC et conseiller municipal, fera baptiser la rue où se trouve le siège du parti: "rue du 23 mai 1848". Et si vous l'empruntez jusqu'au bout, elle vous mène à la place du 22 mai inaugurée en 1971. Il n'y a pas de coïncidences Les Terres-Sainville sont l'expression de notre histoire et de notre culture créole.

          La patrie des hommes libres

Chez nous, on est souvent surpris de la parentée qui lie certaines communes ou certains quartier. Ainsi, le Gros-Morne et le Vert-Pré, s'ils ont la même physionomie d'approche en forme de rempart, c'est dû à leur constructeur Jaham de Vert-Pré. Ici, il y a cousinage avec Sainte-Thérèse: ces deux quartiers sont patrie des hommes libres, ceux qui ont rompu avec l'habitation. Et en plus, vous avez une église en commun.

Hé oui! Quand Victor Sévère achète ici, il assaini et rétrocède le terrain à ses administrés. Un cahier des charges est voté par le Conseil municipal, le 13 mai 1925. Et  prévoit entre autres que « le prix de la concession sera payable en vingt ans par fraction semestrielle et sans intérêts . Le cadeau est royal. Mais tous ne peuvent se le payer. On voit donc une population se loger précairement sur les collines qui dominaient la Compagnie .Générale .Transatlantique (CGT) devenant le morne Pichevin. Mais ça n'était pas suffisant

C’est alors que les Terres-Poullet, passées à Mr Emile Porry après la mort de la propriétaire, seront défrichées, louées par parcelles. C'est quoi, les Terres-Poulet? Juste Sainte-Thérèse, grâce à son église.

Il faut savoir qu'en face de nous, à peu près à l'emplacement de la fontaine, se trouvait une chapelle bâtie en 1908 par Mgr de Cormont. Cet édifice cultuel sera agrandi en 1918, par le chanoine Havon. Quand la municipalité achètera les Terres Sainville, une nouvelle église sera construite en 1925. Et le 9 juillet 1828 la chapelle transportée et consacrée à Sainte-Thérèse. Le quartier du même nom était né.

           Un quartier cosmopolite

Dès sa naissance officielle, le quartier des Terres-Sainville, ne sera comparable à aucun autre de Martinique. Victor Sévère avait voulu créer une cité ouvrière : les hommes en feront un bouillonnement cosmopolite.

C’est là où naîtra le créole moderne, cette langue qui unifie les parlers du nord, du sud de l’est et de l’ouest martiniquais. Mais aussi qui voit exploser la culture musicale créole.

Si la biguine est née à Saint-Pierre, c’est ici qu’elle s’est raffermie, renforcée, dns les casinos, au contact d’orchestres de la caraïbe, en un melting-pot époustouflant.

On oublie trop souvent que s’est ici plus qu’ailleurs, dans l’entre-deux guerres que l’esprit caribéen s’est développé. Ce brassage a donné nos artistes.

Vous êtes-vous posé la question pourquoi des Marcel Misaine, Loulou Boislaville, Marius Lancry, Jackhy Alfa et des centaines d’autres, viennent d’ici ? Cette terre est un creuset culturel.

                Pour l’œil et l’esprit

Mais aussi, une terre de tolérance. Et en disant cela, je ne pense pas aux maisons du même nom ; mais à cette vertu humaniste qui pousse à s’ouvrir à l’autre, pour s’enrichir à son contact : sans perdre de vue son identité.

Nous sommes loin du sujet ?

Non, on arrive à son épilogue, après un voyage forcément bref et synthétique. Mais, quand vous marcherez dans les rues de votre quartier : faites-moi et faites-vous plaisir.

Admirez ce kaléidoscope architectural. Tous les styles sont représentés :du ginger-bred des grandes Antilles, à la maison basse du nord caraïbe, avec son solage incliné, en passant par la maison mulâtre dont l’étage est doté d’un balconnet en fer forgé dit « pour regarder passer le défilé ». Ensuite arrêtez-vous devant les plaques de nos rues : Ouvrier Albert, Henry Barbusse, Emile Zola etc… Tous ces hommes, qui ne sont évidemment jamais venus ici, ont un point commun : ce sont de grands humanistes. Et c’est là aussi, l’héritage que nous a légué Aimé Césaire.

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29 juin 2009

Beauséjour à Grand-Rivière

Patrimoine

              Douceur et histoire à Beauséjour

Impossible de dissocier la commune de Grand-Rivière de l’habitation Beauséjour, ce fleuron de l’habitat créole ; d’ailleurs classé monument historique depuis le 9 août 1996. C’est positivement, un concentré de notre histoire et de notre art de vivre

Nous sommes sur la départementale 10, à un kilomètre du centre bourg de Grand-Rivière. A exactement 102 mètres d’altitude, entre la rivière Poticheau sud et la Grande Rivière au nord, un panneau sur la gauche, comme écrit à la main, indique l’entrée de l’habitation Beauséjour. Quelques mètres en sous-bois et l’on débouche sur la "grand’case"; la maison principale, si l’on préfère.

                   Chacun y a laissé sa marque

En fait, il s’agit de trois corps d’habitation (le pavillon, la case à vivre et l’ancienne habitation) ordonnancés en arc de cercle autour d’une petite esplanade (pour l’apéritif et le digestif), surplombant l’anse Bagasse ; souvenir s’il en est des origines cannières de la commune.

Si à Grand-Rivière, la figure tutélaire est symbolisée par Amédée Knight, ce mulâtre pierrotin d’origine américaine, qui fait de Beauséjour son domaine de 1898 à 1928, on oublie curieusement Catherine de Courcy. Femme du baron de Courcy, elle laissera pourtant de nombreuses traces à Beauséjour, comme ce "montoir à cheval" en pierre, longtemps baptisé "la stèle du sénateur — Amédée Knight est selon l’histoire populaire, enterré à Grand-Rivière, mais nul ne sait où — Sans oublier ce canal d’alimentation de quatre kilomètres empruntant huit aqueducs et deux tunnels dont l’un de huit cents mètres : un classique pour les randonneurs cascadeurs, baptisé à l’époque par François Valançant.

                 Case à vivre et à mémoire

C'est là que vit Jean-Louis de Lucy de Fossarieu: depuis sa naissance. Aujourd'hui, entre ses soixante-cinq hectares de cannes où il est dès l'aube et les quelques moments de convivialité qu'il s'octroie, c'est un béké atypique. Pieds nus, il reçoit ses convives— chez lui couleurs de peau et catégories sociales sont toujours représentées — en maniant l'interlecte, ce mélange codifié de français et créole, que le GEREC a mis en lumière. Et tout ça se passe invariablement  dans la "case à vivre".

" Quand j’étais enfant, c’est là qu’on se retrouvait pour les repas, la lecture et les réceptions avec mes grands-parents et mes parents", se souvient l’hôte des lieux. Lieu chargé d’histoire que cette maison principale. On dirait la maison des souvenirs, avec ses oeuvres d’art, ses objets de marine et ses photos d’époque. De l’extérieur, rien ne filtre, puisque l’ostentation est bannie de l’habitation : juste un corps de logis de plan rectangulaire, construit en « bois du Nord » et une galerie fermée, couverte en appentis, le tout doté de jalousies. Impression d’être hors du temps. Il faut dire qu’en plusieurs siècles, les lieux ont su imposer un savoir vivre aux divers propriétaires qui s’y sont succédé.

A l’arrière de la "case à vivre", comme on pourrait s’y attendre, la cuisine, puis un bijou : le jardin d’agrément. Ses plans ont été tracés en 1930 par Marie de Lucy de Fossarieu, épouse de Louis. Il comporte cinq terrasses successives présentant chacune un couvert différent. En parcourant celles-ci, on rencontre une grande variété d’essences (lianes de Jade, papyrus, fougères bleues, anthuriums, bougainvilliers, cannas jaune, fleurs de la passion, bambous, lataniers, bois d’Inde, orchidées, manguiers ou cocotiers), et des points de fraîcheur autour de bassins en pierre. Et parmi cette végétation : Léon et son copain : deux superbes paons qui, comme les molokoys de l’habitation ne prêtent aucune attention aux visiteurs.

                     Le "pavillon du sénateur"

Mais en arrivant, on a croisé la première des trois habitations. C’est la moins grande, là où Jean-Louis et sa famille vivaient, quand il était enfant. Un lieu important aussi, puisque surnommé le "pavillon". Originellement, il aurait été un magasin. Puise Amédée Knight décidera d’en faire son logis. C’est d’ailleurs à cette époque que la tradition de la "case à vivre" prendra son origine. Depuis, le lieu est devenu école, puis les bureaux de l'habitation et deux chambres d'amis.

Mais alors, la monumentale maison à deux niveaux, que l’on voit sur tous les dépliants et les films ? C’est le plus vieil édifice du site. Initialement construite en rez-de-chaussée, elle servait autrefois de dépôt, de case à eau et d’écurie. Puis, les grands-parents de

Hors-texte :

                       La valse des propriétaires

L' Habitation Beauséjour résulte de nombreuses mutations de propriétés et de transferts de terrains d’une habitation à une autre. Son origine est assez imprécise. On considère généralement que le premier propriétaire de Beauséjour en 1670 est Chambert Antoine dit La Rivière, natif Agde (département de l' Hérault). Vinrent ensuite les Mirebeaux Des Ruissaux, les Desabayes, les Levacher du Boullay, les Brière, les Potier de Courcy, De Chazaud, Ariès, les Knight, et enfin les de Lucy de Fossarieu, propriétaires depuis 1928. Cette habitation prend le nom de Beauséjour entre 1900 et 1912 lors de l’union de l’habitation le Malgré et d'une partie de l’habitation Grand Rivière. Au cours des années qui suivantes plusieurs habitations font faillite, dont l’habitation le Malgré. Cette conjoncture économique fait vendre à M. Potier de Courcy la moitié de ses parts au profit de Chazaud François. Celui-ci revend le tout aux Ariès de Saint-Pierre. Puis en 1898, par un jugement rendu au tribunal de cette commune, la propriété est adjugée au Sénateur Amédée Knight et à M. Salomon Richard qui lui cède ses parts quelque temps plus tard. On remarque qu’à la fin du XIXe siècle les habitations appartenaient toutes à des familles "non blanches" créoles, à l’instar des Knight, des Négouai-Dalila, des Désiré ou encore des Moreau. Il s’agissait pour la plupart de cacaoyères ou de petites sucreries distilleries.

Hors-texte :

                   Un béké chez les Chouans

Tout le monde parle de la baronne de Courcy : mais qui était donc son mari ?

Frédéric-Alexandre-Michel-Laure Potier, baron de Courcy voit le jour à Fort Royal. Il arrive en France et entre au collège de Vannes en 1788.Engagé parmi les Chouans durant la révolution, il participe au combat de Grandchamp le 28 mai 1793.

Il est fait prisonnier pendant la bataille et est conduit devant le général Hoche. Il est incarcéré à Vannes mais acquitté par le Tribunal Criminel en 1795. Sous le Consulat et l’Empire, il est attaché à l’administration de la marine en 1800, est démissionnaire en 1805.

Il s’éteint à Paris en 1845 et y repose avec son épouse Catherine Alexandrine Brière, née en Martinique le 18 février 1785 et décédée à Paris le11 juin1866.

Hors-texte :

             Ingénieur, mulâtre et sénateur

Admissible en 1868, à 16 ans, à l’Ecole navale, Amédée Knight entre à l’Ecole centrale à 18 ans, en 1870. En possession de son diplôme d’ingénieur, il s’occupe d’abord en France de sucrerie, de métallurgie, avant de rentrer en 1878 en Martinique. S’associant d’abord avec son père, il fonde ensuite ses propres distilleries et divers établissements agricoles consacrés à la culture de la canne à sucre ainsi que du cacao ou du café. Cette importante position le conduit tout naturellement au conseil municipal de Saint-Pierre, où il devient adjoint au maire, puis au Conseil général où il représente le canton de Lamentin en 1893 et celui de Basse-Pointe en 1899 et qu’il préside.

Il ne lui reste plus qu’à briguer un siège de sénateur : le décès de Vincent Allegre le 18 mai 1899 va lui en fournir l’occasion ; il est élu le 13 août. Un an après avoir acquis Beauséjour ; où Il transforme la sucrerie en distillerie.

Louis de Lucy de Fossarieu, propriétaire dès 1928, fera du Rhum H.B.S. un rhum réputé durant toute la première moitié du XXe siècle. En 1959, la culture de la canne sera abandonnée au profit de

la banane. Et depuis deux ans, Jean-Louis, le petit-fils est revenu à la tradition cannière.

©Eric Hersilie-Héloïse

©photos : E. H-H

Jean-Louis de Lucy, décideront d’y habiter et pour ce faire en 1930, la bâtisse sera rehaussée d’un niveau en bois, avec une galerie bordée de colonnes. Aujourd’hui, Jean-Louis à l'étage, tandis qu'au rez de chaussée  on trouve un oratoire et des pièces de mobilier créole. Pour que la vie s’écoule en long fleuve tranquille.

29 juin 2009

Brin d'Amour àTrinité

                       Brin d’amour, tout un programme

" Notre Brin d’Amour est si unique, annonce Josèphe Délise, que Max Ransay en a fait une chanson à succès". Pas qu’un peu chauvine, la Trinitéenne des hauteurs du bourg.

S’il débute aujourd’hui avec l’épicerie Domarin, traverse, la route nationale, pour serpenter 1,5 km plus loin, "nan bouk" à

la "Citerne

", on ne sait pas très bien d’où viennent les origines et dénomination de ce quartier.

Pour certains le nom de « Brin d’amour » viendrait de l’amour partagé entre les grands parents des actuels résidents. Pour d’autres, il se serait agi dès le début d’un quartier résidentiel où békés et mulâtres, s’entendaient si bien, qu’ils allaient chasser ensemble ; un peu plus haut au lieu-dit "Ti bois". Mais il y a d’autres versions !

" Pa izé soulié mwen an, souplé"

En plein cœur de « Brin d’Amour » au lieu-dit « Chemin des Quenettes » habite Josèphe Delise, ancienne ouvrière agricole, 67 ans, sept enfants. Elle est née et a toujours vécu dans cette verdure. Elle est la fille d’ouvriers agricoles travaillant sur l’habitation du Galion et elle explique : « Avant de devenir propriétaire, le patron de l’habitation a d’abord loué pour ses ouvriers et ensuite les enfants ont acheté ou construit. Il s’agit des Delise, Pintor, Fortas et autres. ».

Elle a bien connu l’époque de la guerre, dite " antan Robè » où avec sa mère et sa sœur, elles grimpaient en haut du morne dans les bois, échanger du sel, du sucre, de l’huile, du pétrole contre des légumes. Josèphe sourit quand elle évoque cette époque " C’était le même rituel : il fallait arriver à la « Citerne » les pieds nus. Pourtant nos parents nous donnaient des « alpaga », sortes de chaussures à brides. Mais ma mère disait : « Pa izé soulié mwen an, souplé. Lè zot rivé « la Citèn’ météi an pié zot » (n’usez pas mes souliers s’il vous plaît. Ce n’est qu’arrivée à la Citerne que vous pourrez les mettre). La mère était vigilante et même si ces jeunes filles rêvaient de coquetterie c’est la couturière de la famille qui confectionnait les mêmes robes longues. Josèphe se rappelle de sa dernière raclée à dix huit ans quand elle passa outre les interdictions et alla au cinéma voir « Cet homme est dangereux » avec Eddie Constantine. A son retour la maîtresse de maison lui joua « Cette femme est dangereuse » avec une liane de calebasse.

Robert Despointes et son cousin

Si l’on écoute Maurice Domarin dont le père, surnommé Diogène agriculteur, épicier, tenancier de débit de la régie, se transformait en boucher le dimanche, l’histoire est différente. Il avait 9 ans, quand Robert Despointes s’est fait assassiner, dans son "chateau" (devenu par la suite le restaurant gastronomique l’Ami Fritz, puis l’hôtel "le Brin d’Amour") ; et aujourd’hui, du haut de ses 77 ans : il sait " C’est lui qui a permis aux ouvriers du Galion de construire à crédit leur maison ici ; car il avait une quincaillerie".

Décidemment intarissable, il poursuit : " En face de chez mon père, il y avait les Mathieu, des békés dont la maison serait aujourd’hui à vendre. Un peu plus haut, l’abbé Yvon, non loin de ce qui deviendra plus tard, les liqueurs Vergison et leur verger ; à la croisée, c’était le château de Robert Despointes. Et en haut, à l’amplacement du foyer de Charité le château de Raymond Despointes, surnommé "bwa goyav' " le cousin de Robert.

Un peu plus bas, la maison de Alic Rimbaud, un mulâtre qu’on a retrouvé mort chez lui dans les années cinquante. C’est là qu’a résidé Charlemagne, jusqu’à ce qu’on ne vende dernièrement à des promoteurs immobiliers." Le matin pour se rendre à l’école, Maurice descendait la route de Brin d’Amour : Plongée dans ses souvenirs de petite enfance, « Il y avait là,

la famille Lémus. Et

presqu' en face la propriété du photographe Hersilie ; c’est lui qui a fait les photos mortuaires de Robert Despointes. Au tournant, après l’Epinette on trouvait

la famille Cléris

dont le père était clerc de notaire, Mme Mérope l’institutrice,

la famille Toto

, puis

la distillerie Guyon-Firmin

…" Autant de noms, que l’on retrouve encore aujourd’hui ; ajoutés à ceux nés du boom immobilier de ces dernières années.

©Eric Hersilie-Héloïse/

Joseph Valey

Hors-texte

Josèphe Delise

Ancienne ouvrière agricole, Josèphe est "natif natal" de Brin d’Amour. Elle a toujours vécu là, au "deuxième mitan" de ce quartier, dont la rue unique, mène à la sous-préfecture du nord.

La maison des Rimbaud :

Tombée en ruines vit ses dernières heures. Charlemagne le dernier habitant de cette demeure du début du siècle dernier, a déménagé pour aller vivre en cité. Charlemagne, 67 ans, célibataire endurci avait gardé ses habitudes de jeune homme. Vers 17/18 heures, il descendait la route du Brin d’Amour et rejoindre sur la place joyeuse ses amis de toujours : ses « camaro ». Vers 23 heures il rentrait au bercail : un rituel de plus de 40 ans !

« Brooklyn » : quartier général récent, lieu de rassemblement des jeunes du quartier. Entre les racines des arbres, ils ont aménagé des bancs de fortune avec des planches de récupération. Surplombant un virage ce nouveau « Sénat », comme on aime dire à Trinité, donne un peu de vie au quartier. Le monde se fait se défait au rythme des discussions entre copains ; au son du dancehall et du RnB.

Les « Mimy » : Juste avant le pont Corée au lieu « Chemin Poix Doux » : un gîte rural qui ressemble fort à une auberge. L’oeuvre de Guy Vanitou, enseignant à la retraite, ancien dirigeant de

la Gauloise. Et

surtout animateur acharné de son quartier.

Le chateau Despointes :

Monumental, cet édifice remonte à la période où l’île verra surgir des "villas", du type de celle d’Eugène Aubéry, à Ducos. Son constructeur, quincaillier, promoteur de Dénel, la première conserverie d’ananas à laissé un souvenir impérissable à Trinité. Hélas, un meurtre s’y est produit et depuis, certains disent "kay tala ni an pichon"

Trinité en chiffres :

Née en 1658, elle devient paroisse, avec 3 quartiers :

le Petit

Brésil, la Citerne et

la rue Paille. Aujourd

’hui, Trinité c’est :

* 57 quartiers, regroupant 12 890 habitants sur 4 577 hectares ; soit une densité de 282 habitants/km2.

* 5210 logements : dont 4423 résidences principales, et 201 secondaires. Etant entendu que 42 % des ménages sont propriétaires.

* 450 commerces

*278 exploitations agricoles sur 35 % du territoire ; soit

1 559 hectares

*89 professionnels de la pêche

29 juin 2009

La régale

        La Régale ; toute une histoire

Si, les Pilotins du sud, ont la réputation d’être des "moun' ki paka fè la fèt'", le quartier de Régale (ici on dit "la Régale") semble l’épicentre de cette réputation. Avec à l’intérieur un "point névralgique ": "lari zépeng' " grimpant au morne Honoré, d’où l’on domine à 388 m d’altitude, toute la plaine du sud vers Rivière salée et à l’opposé, le bourg de Rivière Pilote vers le Marin.

     Endormi le jour, fourmillant la nuit

"Jusqu’à la génération de mon père, commente Charles Ménage, on disait ici que toutes les bagarres solides, avaient pour meneurs, des gens de "lari zépeng' ". Il faut dire que c’est de là que venaient les figures de proue de la révolte du Sud. Que c’est probablement au morne Honoré que le noyau des six cents insurgés se regroupaient pour fondre sur les habitations du sud. Aujourd’hui, le quartier est calme. Mais nous avons gardé cette habitude d’être comme endormis le jour et résolument fébriles, dès que le soleil se couche". Habitude très "latino", héritée de la culture ibérique ?

De fait, cette immense rue en cuvette, chargée de mémoire, semble être devenue une artère bourgeoise. Maisonnettes cossues, le débit de la régie d’une des sœurs Céram, datant du siècle dernier et l’atelier de Charles Potery (le président de l’association des potiers de Martinique). De part et d’autre, une vue à couper le souffle. Il y a de l’Andalousie dans cette partie de Martinique. En plissant juste les yeux, cette ligne de crête, rappelle

      Ici on paie plus d’impôts qu’en face

C’est d’ailleurs vraisemblablement pourquoi des hommes comme Louis-Félix Ozier-Lafontaine, l’anthropologue, ont décidé de résider. On comprend aussi maintenant, la profondeur qui se dégage des peintures de Ghislaine Joachim, elle aussi de Régale. La nature force au respect. Et n’a pas besoin d’afféterie pour imposer à tous son identité.

Tout en tournant une pièce qu’il destine à un salon d’exposition européen, Charles commente : "Dans tout autre quartier de l’île, les commerces auraient fait chien (N.D.L.R, pulluler). Ici, il y a deux débits de la régie, un restaurant gastronomique et la Fazenda, cette salle de fêtes, courue de toute l’île. Et pourtant tout le monde recherche le bon air de la Régale". À ce propos, ce quartier carrefour frontalier de Rivière salée, partagé entre Saint-Esprit et Rivière Pilote à une particularité : l’assiette d’imposition foncière. "Sur le côté droit de lari Zépeng', vers morne Honoré, on est sous la juridiction de Rivière Salée, en zone résidentielle. On paie donc largement plus cher que de l’autre côté de la rue, en pays pilotin". Charles s’étouffe de rire, lui dont la famille réside depuis des lustres, du bon côté de la "frontière".

Texte et photos© : Eric Hersilie-Héloïse

Texte 2

L’insurrection du sud

Un des moments clés de l’histoire martiniquaise. Ces jours de septembre 1870, sous l’impulsion de la chute du Second Empire et le souvenir de la libération d’Haïti en 1804, voient l’île chanceler. Le détonateur ? L’affaire Léopold Lubin : le 19 février cravaché par 2 békés (Augier de Maintenon et son ami Pellet de Lautrec), sur la route du Marin, il demande réparation. Rien. le 25 avril Lubin inflige alors à Augier une sévère correction. Le 19 août, il est condamné à cinq ans de bagne.

L’abolition de l’esclavage a vingt-deux ans. Le peuple gronde. Conduits par des hommes comme, Louis Telga (nègre, 38 ans, boucher), Eugène Lacaille (mulâtre, 63 ans, grand propriétaire foncier), Lumina Sophie dite Surprise (couturière de 19 ans), Daniel Bolivard Madeleine Clem. Le but ? Instituer une République martiniquaise à l’exemple de St-Domingue. En huit jours, près de 50 habitations sont incendiées, 15 communes mises en état de siège. C’est là qu’apparaît, brandi par Telga l’étendard rouge, vert, noir du peuple martiniquais.

La répression est foudroyante : 16 leaders fusillés, Lumina Sophie envoyée au bagne de Guyane. Seul Telga s’enfuira en Haïti ; pour toujours.

Hors-texte :

Charles Ménage

Il se destinait à la comptabilité, mais a appris la céramique avec Jeannot, maître potier aux Trois Ilets ; avant de revenir s’établir à la Régale. Dire qu’il est attaché à son quartier, est un euphémisme : Il respire son terroir.

* Le Régal de Montfort

À l’entrée du quartier, à droite en venant de Rivière Salée, face à l’embranchement qui mène à l’église une épicerie et en sous-sol l’antre de la gastronomie créole ; le Régal de Montfort : domaine de Yolande Céram. De partout on vient déguster son pâté en pôt de lambi, recette phare, d’une carte créole, expérimentée du temps où elle était à Petit Bourg.

* Notre dame de Montfort Régale

Derrière Régale se trouve le lieu-dit Montfort et à cheval l’église paroissiale de type "architecture moderniste". C’est là qu’officie depuis quelques années Louis Elie. Revenu en son île en 1963, à l’époque du concile de Vatican II, il a longtemps démontré un esprit avant-gardiste. Aujourd’hui, il semble avoir passé le flambeau pour goûter la quiétude d’une vie bien remplie.

* Charles Potery

Contigü au libre-service Céram, une grande enseigne verticale : Charles Pottery. Là travaille Charles Ménage, à l’écart des artères touristiques, il produit la céramique locale qui se rapproche le plus de celle de Valauris en France. Son carnet de commandes ne désemplit pas. On lui doit la carafe entre autres à rhum en forme de canne à sucre. Ici, l’imagination est au pouvoir.

* Le morne Honoré

Au bout de "lari zépeng' " trône le morne Honoré. Là où se sont regroupés les 600 insurgés de septembre 1870. le dernier carré, pourrait-on dire. Pourtant, nulle plaque, statue, ou inscription, ne le signale pour la postérité.

Quelques chiffres sur la commune

Avec ses 36 km², sa population de 13057 hab et sa densité de 362,69 hab/km², c’est la plus grande commune du sud

*Elle compte 90 quartiers

* A été érigée en paroisse le 26 février 1705 et en commune en 1837

* Entre monts et vallées, le territoire culmine à

     

388 m avec le morne Honoré      

la sierra Maestra.

Le vent du sud remémore en longues rafales le bruit des troupes suivant Louis Telga (ou Telgard) caracolant sur son cheval noir, en ce mois de septembre 1870. Impossible de ne pas être empli, jusqu’au fond des poumons, par cette odeur de bois ti baume ; mâtinée au fur et à mesure qu’avance l’heure, que le soleil grimpe au zénith, d’un fumet de viande roussie. Ici, l’homme ne s’établit pas par hasard. Nous sommes loin de l’ambiance balnéaires du sud côtier.

29 juin 2009

Le Vert-Pré

                                         Le Vert Pré, telle une principauté

Par deux fois dans l’histoire, le Vert Pré a été à deux doigts de prendre son autonomie. Ce quartier (ici on parle de "hameaux de 6000 habitants ") du Robert haut de ses 339 m, regorge de spécificités ; la non moindre étant sa capacité à générer des artistes, qui l’a fait surnommer "vivier culturel" de l’île.

Alors, pourquoi s’étonner que ce soit un Marthély, mais Thierry pour une fois, qui serve de guide en ce si attachant "nid d’aigle" au nord de la Martinique.

                                              Vert-Pré depuis 1712

Avec sa silhouette d’éternel adolescent, le quadragénaire sourit : " Je ne sais pas si c’est le bon air, l’altitude du lieu et il faut bien le dire un certain conservatisme dans l’éducation, ici la sérénité a toujours été de mise". Sérénité et humour. La preuve, nulle commune ne dispose d’une voie dénommée "rue de la Mauvaise paye", en souvenir des "indélicats" qui, le vendredi (dénommé aussi "sainte touche" car jour de paie dans les habitations) la remontaient subrepticement pour éviter pour éviter les attaques des créanciers.

On se serait trouvé au Nord Caraïbe de l’île, que l’on aurait assuré qu’à l’instar de Fonds Saint-Denis, c’est "le pays des hommes qui traient les vaches debout"; tant le terrain est accidenté. Alors, pourquoi ce nom de Vert-Pré. A croire Jacques PetitJean Roget cette dénomination serait due à François Jaham de Vertpré. C’était le premier de la lignée en 1712, à quitter le Marigot où s’était installé Jean, l’ancêtre de la famille ; un Poitevin de la paroisse de Saint-Mars, arrivé aux Antilles en 1635, à l’âge de 25 ans.

Lieu-dit enclavé comme son voisin immédiat le Gros Morne, notre quartier robertin est l’un sinon, le seul endroit de l’île, d’où l’on peut contempler d’un côté la totalité du littoral nord atlantique ; et de l’autre les pitons et la côte nord caraïbe, dans le lointain. C’est à la sortie du bourg, de part et d’autre de la Place des fêtes ; que l’on aurait pu tout aussi bien dénommer "Jaham de Vert-Pré".

Quelle drôle d’idée, direz-vous ? Pas tant que ça. Retour sur un chapitre de notre histoire, jamais vraiment développé. En 1790, la Révolution française s’exporte en Martinique et l’île se dote de deux capitales : Saint-Pierre pour les Républicains (le parti de la ville) et le Gros-Morne pour les Monarchistes (parti de la campagne), commandé par le gouverneur comte de Damas. On confiera au capitaine de milice Jaham de Vertpré le soin de réaliser les fortifications de la capitale du centre. Il s’inspirera de l’architecture de sa résidence. Et c’est sûrement depuis ce jour que Vert-Pré et le Gros sont dotés des mêmes remparts empierrés rappelant ceux d’Avignon.

                                           L’ombre de Paul Symphor

Quoi qu’il en soit, outre l’aspect architectural, le Vert-Pré sera le théâtre de combats sanglants qui verront en 1793 la victoire des troupes républicaines de Rochambeau (nouveau gouverneur de l’île, nommé par la Convention) sur l’armée royaliste. Du coup, Damas fait appel aux Anglais ; qui assiègent l’île jusqu’à sa capitulation le 23 mars 1793. Et c’est ainsi que l’Ancien Régime sera restauré jusqu’en 1802 ; nous ne connaîtrons l’abolition de l’esclavage qu’en 1848 ; que les " blancs créoles " fuiront la Guadeloupe devant Victor Hugues et sa guillotine, pour s’établir ici, devenant békés.

C’est vraisemblablement fort de tout ça que Constant Leray a construit son "château républicain" au début des années quarante. On dit que, cet instituteur de Nusiac en Bretagne, établi en Martinique, se serait fié à la promesse de Paul Symphor, (une figure du Robert, qui sera maire de la commune, conseiller général, puis président de cette assemblée et sénateur et… résidant au Vert-Pré) d’édifier le quartier en commune. Si son château ne sera jamais "adoubé" en tant que mairie, il aura tout de même pour hôte en 1947, Jules Moch, un ministre de l’intérieur " à poigne ". Ca aussi, les Vert-Préens, n’en parlent pas.

" Quand tu vis ici, commente Thierry Marthély, tu vois le monde autrement. On n’en parle pas, mais à l’instar de la Dominique, nous sommes entourés d’innombrables sources, de sous-bois merveilleux et d’un tissu économique non négligeable ; tenu de respecter l’environnement.

© Eric Hersilie-Héloïse

© Photos E. H-H

Hors-texte :

Thierry Marthély

"Il y a toujours eu de la musique chez moi, puisque mon père jouait de l’accordéon, de la flûte traversière et que ma mère chantait à la chorale " lance Thierry Marthély. Pourtant, même si comme Obélix il est " tombé dedans à la naissance ", son autre passion est la voiture. Mécanique, tuning… tout y passe. Alors, il fait des études de mécanique et aujourd’hui partage sa vie entre une entreprise d’entretien automobile florissante, une carrière artistique en positif… Et le Vert Pré où il puise son énergie.

* Le Ranch… des oiseaux ?

Quartier Zabeth. domaine de Claude Boutaud. Au début il était chasseur puis… touché "par la grâce" il crée un étang pour les poules d’eau et les canards. Sans compter de nombreuses variétés de poissons. Et comme c’est un cousin aux Marthély, en fin de semaine on y zouk "jik jou ouvè"

* L’ombre d’une géante

Derrière cette usine "high-tech" du quartier Directoire, plane l’ombre de "Man Littée", la pionnière de nos yaourts. Née Anne Marie-Joseph Cassius de Linval, " Mayotte" décide en 1950, d’arrêter l’exploitation de la distillerie, pour se lancer dans la production d’une chose venue d’Europe de l’Est : les yaourts Littée étaient nés. Dix ans plus tard, elle crée son propre élevage de vaches laitières : toujours au Vert-Pré. Aujourd’hui encore les anciens se souviennent de cette " grande békée " disparue en février 2005.

* À couper le souffle

Voilà peut-être l’un des plus beaux points de vue de Martinique. Situé sur ce qui est en fait une des arêtes rocheuses de l’île, vous dominez la côte… jusqu’à l’extrème nord. Puis vous vous retournez : et là c’est la partie caraïbe du pays. Au milieu, vous êtes à la Place des fêtes où se déroulent entre autre des séances de cinéma en plein air.

* La source Bonipo

"Le Vert-Pré, ce que l’on oublie bien souvent, est d’abord une terre d’eau ; déclare Thierry Marthély. Nous avons tout de même, une trentaine de sources aménagées dont le site de la Bonipo au quartier l’Heureux. C’est à droite, juste avant le bourg, en venant du Lamentin par la route de Soudon "

 

   

12 mai 2008

Montravail à Ste Luce

12 mai 2008

Une société en mutation

12 mai 2008

Il était une fois, la Ravine Bouillé

22 avril 2008

Pointe de la Vierge

Un homme un quartier

A l'ombre de la Pointe de la Vierge

" Ils en seront sur le c… quand ils sauront que je ne suis pas de Didier, mais de la Pointe de la Vierge", marmonne Jean Emmanuel-Emile, en gravissant, la rue de la Claire Fontaine; dont le nom vient de l'époque où les riverains n'avaient qu'une seule fontaine publique pour leurs besoins quotidiens.  Nous sommes à  la Pointe de la Vierge, quartier né dans les années 50, entre mer et Lycée technique, Pointe des Nègres et Texaco.

   On se croirait à la rue Monte au ciel, du Saint-Pierre d'avant 1902: bordée de maisonnettes bourgeoises,  la voie principale, monte à pic, pour se fondre dans une volée de marches d'escalier. Atmosphère caribéenne. Sentiment d'entrer dans un univers où les uns et les autres, ont souffert ensemble; pour donner à leurs enfants un mieux-être social; eux qui au début des années 50 inauguraient le terme d'"occupants sans titre"

Au temps de la carrière Blanchard

"J'ai vu venir des ouvriers munis de pinces à démolir, pour nous chasser d'ici. Même une fois, j'étais enceinte de Jean, je leur ai dit: Je ne bougerai pas de la maison, sans que le chef de famille soit revenu" se souvient la mère de notre guide; une chabine kalazaza, née à Sainte-Luce, dans la famille Bellay.

Son mari? Une force de la nature surnommée "Danjé". Un pêcheur de Ste-Anne qui sera tour à tour, brancardier à l'hôpital civil puis à la maternité de Redoute et enfin, gardien de la maison des sports de la Pointe de la Vierge: tout cela sans abandonner son activité de pêcheur, ni délaisser Sainte-Anne, commune où il se rendait tous les dimanche, à bord de sa yole.

" Maintenant, on vit bien, confie Pierre Thimon. La municipalité nous a donné nos titres de propriété. Mais avant, du temps de la carrière Blanchard ( site de l'actuel SERFASSO), l'insécurité régnait ici. C'était chercher l'eau à l'unique pompe du quartier, jeter les tinettes au lever du jour et toutes ces choses d'un autre temps; alors que nous étions au milieu des années 60."

Si Texaco la voisine cadette, naît de l'occupation d'un entrepôts d'une compagnie pétrolière, la Pointe de la Vierge est directement liée à l'entreprise Blanchard. En d'autres termes,  la carrière. Là où on faisait exploser des parois de roches. C'est pourquoi il était interdit d'y habiter. D'ailleurs, les tous premiers habitants du lieux avaient été déplacés au morne Calebasse

Pourtant, au milieu des années 50, trois irréductibles familles de  pêcheurs avaient préféré le danger des explosions, à la précarité du logement.

Le rendez-vous gastro de Viviane Emigré

"Je me souviens que mon enfance a été bercé par les explosions rocheuses de la carrière, se souvient Jean. Ca ne nous empêchait pas de faire des concours de "léchtièt" (plongeon à pic) au pied de la vierge". Car la pointe porte le nom d'un oratoire, servant d'ailleurs de cap aux pêcheurs désirant accoster.

" A plusieurs reprises, la vierge est tombée à l'eau", dit-on. Puis, on a déplacé vierge et oratoire pour les mettre au fond de la cour du SERFASSO. Enfin la vierge a disparu, ne laissant que l'oratoire, vide; baptisé depuis "grotte de la pointe de la vierge".

C'est cette histoire, et bien d'autres, que Jean-Michel Galva a décidé de raconter aux touristes. Il y a quelques années, avec ses deux frères, il a monté l'Aventurier, un "bar restô branché gastro" " spécialisé dans les steaks imposants" précise Jean l'épicurien. Intarissable, il ajoute: " Lorsque Viviane Emigré vient en Martinique, elle exige de dîner au moins une fois là".

Toujours est-il qu'au fait des projets d'agrandissement du "Malecon", Jean-Michel a décidé de proposer un tourisme urbain nouveau.

"On va les chercher au débarcadère en yole, on leur fait visiter la baie, puis on remonte le canal Levassor. Entre-temps, on les a fait pêcher à la traîne. Et nous revenons ici pour le baptême de la mer, où nous faisons cuire le produit de la pêche, après une visite de Texaco et Pointe la Vierge. Le tout accompagné par les musiciens de l'AM4. Quand on dit que Foyal est la ville capitale, nous comprenons qu'il faut se mettre au combat", conclut l'enthousiaste.

Ca change de la sinistrose ambiante!

© Eric Hersilie-Héloïse

21 avril 2008

Anse à l'Ane

"Nous n'avions rien et pourtant, nous étions riches à l'Anse à l'âne"

Guy Vadeleux, un des rares musiciens martiniquais à vivre professionnellement de son art. Son havre, son sanctuaire, là où il puise son énergie? Les hauteurs de l'anse entre les mornes Passe montant et Papias

"Les gens pensent que je viens de Trénelle et que j'ai construit aux Trois Ilets quand j'ai eu de l'argent, commente le chantre de la biguine et de la mazurka. En fait, les choses sont un peu différentes. Je suis bien né à Fort de France, d'ailleurs près de la maison de la mère de Serge Letchimy. Ma mère ne trouvant pas de travail était descendue à la capitale. Mais mes parents, sont des Anses d'Arlet. J'ai d'ailleurs vécu à Gallochat, chez ma tante Héloïse Vadeleux, la petite sœur de ma mère, jusqu'à l'age de trois ans. Puis je suis remonté au morne Papias, chez ma grand-mère; lieu-dit d'où venait Louis Laclef, son second mari. Là où j'ai construit dès que j'ai pu, une maison pour pour ma mère, où elle vit encore aujourd'hui".
Juste après la plage de l'Anse à l'Ane (dont, selon les anciens, le nom viendrait d'un monsieur Lane, tout comme la "Cour Boule", toujours à l'Anse à l'Ane, n'aurait rien à voir avec la pétanque, mais serait l'un des lieux préféré d'un colon nommé Boule), vers Gallochat, deux routes s'enfuient sur la gauche: la première mène à Passe montant, et la seconde à Papias. Au morne Papias, on ne peut se tromper: c'est le lieu de résidence, depuis des lustres, de deux familles, qui ont fini par devenir parentes: les Laclé et les Laguerre. Morne rural, piqueté de coquettes villas, d où l'on domine l'ilet Ramier et son fort où sera tourné le film "Béhanzin" de Deslorier.
"Tu vois, quand j'étais petit, nous n'avions rien, mais nous avions tout en terme de richesse de vie, de nature, d'éducation et d'amour". Malgré la spéculation immobilière, on sent bien qu'ici, la terre est un bien que l'on transmet aux parents en marque de sagesse. Tandis qu'au morne Passe montant, l'esprit est tout autre.
Vue imprenable sur le bourg avec en fond, la baie de Fort de France, c'est le Didier des Trois Ilets. A croire qu'ici, les habitants se livrent à un "tirage" de la plus belle demeure. On en attrape le vertige, tant les maisons créoles rivalisent de recherche et de raffinement. Nul étonnement d'apprendre que c'est là que le maire Arnaud René-Corail s'est fait construire sa résidence principale, et qu'un parlementaire a érigé au haut du morne deux superbes villas à colonnades , sol en marbre, le tout façon "Au temps en emporte le vent". Le luxe tropical n'est pas mort.
Dévalons le morne et retournons vers la plage. Au passage, les vestiges du musée des coquillages (le premier de ce genre, ouvert il y a une quarantaine d'années, puis fermé dit-on par manque d'aides publiques) et l'hôtel le Maharaja, né du rêve d'un amoureux de l'Inde, aujourd'hui reconverti en maison de retraîte. Direction "Chez Jojo", une institution depuis 50 ans.
"Je ne suis pas si vieux, mais dans mon enfance, se souvient Guy, il n'y avait ici que de la canne; que nous allions voler dans les champs. A l'Anse à l'Ane la canne était de la variété "pen epi lèt". Un délice! Ca fondait sous la dent. Puis on a importé la canne BH. Rien à voir. D'ailleurs, la distillerie a fermé: c'est pas un signe?".
Chez Jojo, là où les anciens se retrouvent du matin au soir en "cénâcle communal". Entre résidences secondaires luxueuses et infrastructures touristiques, ces piliers de la tradition, semblent un peu perdus. Alors, ils se retrouvent chez Jojo, la où est mort le plasticien Khokho, un restô dancing inauguré il y a un demi-siècle… A l'emplacement de l'ancienne distillerie. Tradition, quand tu nous tiens!
© texte &photos Eric Hersilie-Héloïse
Hors-texte
Guy Vadeleux
"Dès tout petit, je voulais être musicien", déclare ce quinquagénaire à l'allure juvénile, avec un large sourire. Guitariste, saxophoniste, il est surtout l'emblème d'un style créole où la culture ne saurait devenir folklore. On lui doit de nombreux succès musicaux et ses désormais spectacles traditionnels réalisés avec l'aide de sa femme, tout à la fois costumière, régisseuse et gardienne du foyer. En quelques décennies, Guy Vadeleux a assis sa notoriété:maintenir sa culture, vivre de son art et préserver sa famille.

En savoir plus

Anse à l'âne
Cette habitation, qui donnera son nom au quartier, est selon Roland Suvélorl'une des plus anciennes de l'île. Elle s'est appelée Rochechouart, du nom du propriétaire, qui n'y résidant pas, la fera habiter par son géreur. Elle a appartenu aux Pocquet de Puilhery et à la fin du siècle dernier, à la famille Guérin, tristement célèbre pour avoir été anéantie lorsque son usine de Saint-Pierre a été engloutie par une coulée de lave de la Montagne Pelée. Quelques années plus tôt, en1880, l'habitation avait été débaptisée pour porter le nom de "Anse à l'Ane".

Et la plage?
Bordée de tout son long par des hôtels et des petits restaurants de plage, l’environnement de l’Anse à l’Ane a perdu de son authenticité au fil des années avec le développement massif de nouvelles constructions. Néanmoins, la plage reste très agréable de par sa taille, et son plan d’eau habituellement très calme est parfait pour la baignade.

Et la pétrolette?
Reliée directement à Fort de France par un service de navette maritime qui assure des liaisons toute la journée, l’Anse à l’Ane est une plage très fréquentée.
LES PETROLETTES DU SOLEIL
Tél. : 0810 122 466 - Fax : 05 96 424 127
mail : petrolettes@petrolettes.com
Fort-de-France - Pointe du Bout Départ : Quai Gare Multimodale de Fort-de-France : de 6h45 à 19h00 Départ Pointe du Bout : de 6h10 à 18h30
Départ Fort de France de 6h50 à 18h pour l’Anse à l’Ane et l’Anse Mitan
Départ de l’Anse à l’Ane pour Fort de France de 6h30 à 17h35
Départ de l’Anse Mitan pour Fort de France de 8h à 17h40
www.petrolettes.com

VEDETTES MADININA
Tél. : 05 96 63 06 46 - Fax : 05 96 63 80 68
mail : contact@vedettesmadinina.com
Fort-de-France - Pointe du Bout Départ Quai Gare Multimodale - Fort-de-France : de 6h30 à 20h45 Départ Pointe du Bout : de 6h30 à 21h30
Fort-de-France - Anse Mitan - Anse à l’Ane : Départ Fort-de-France : de 6h20 à 18h30
Départ Anse Mitan : de 5h40 à 18h
Départ Anse à l’Ane : de 6h à 17h50
www.vedettesmadinina.com

A pied, à cheval…
Le Ranch Jack est le premier centre de tourisme équestre créé en Martinique en 1974. Il sera d’abord installé à Gallochat, sur la commune des Anses d’Arlet, ou il commence avec 4 chevaux créoles, à faire découvrir la région avec le Morne Bigot, l’Anse Dufour, Anse Noire et le sud Caraïbe. Très vite le nombre de chevaux augmente. Vivant en liberté, la surface devenant trop petite pour le pâturage, ils migrent quelques kilomètres plus bas, vers l’habitation Anse à l’Ane. La rareté et la qualité des chevaux créoles amène le Ranch Jack à produire et à élever ses chevaux qui jouissent d’un mode de vie proche de l’état naturel.

21 avril 2008

théâtre de foyal

PATRIMOINE Une mairie devenue théâtre ; ou inversement Est-ce une mairie reconvertie en théâtre ? Un théâtre hébergé depuis le début dans l’enceinte de l’hôtel de ville ? Ce petit palais plus que centenaire, curieusement encadré par deux édifices futuristes (les, mairie et palais de justice nouveaux) héberge un théâtre à l’italienne, les bureaux d’Aimé Césaire et à l’occasion, une petite salle d’exposition. Dans cette capitale qui change à vue d’œil, se modernise à grande vitesse, celle qu’on nomme l’« ancienne mairie », fait figure d’îlot patrimonial : le gardien d’une histoire foyalaise couleur sépia. En décembre 2001, lors de la célébration du centenaire de l’édifice, les organisateurs ont dû être pris de vertige. Si en tant que mairie le monument avait été inauguré en 1901, sa construction avait débuté vingt ans plus tôt. En ce qui concerne le théâtre municipal : son inauguration date de 1912 : tout est dans la nuance ! On avait l’embarras du choix ou le choix de l’embarras ! Un séisme qui met à jour des malfaçons ? On connaît ! Au XIXe siècle, les choses n’allaient pas aussi vite que de nos jours ; loin s’en faut ! C’est en 1 880 que les édiles de Fort-de-France décident de donner au chef-lieu de la colonie, une mairie digne de ce nom. Et confient la réalisation des plans à l’ingénieur Blin. Trois ans plus tard, la commune contracte un emprunt destiné à financer la construction de l’édifice. Le maire est alors Jules Fanfan et les travaux, d’un montant de 410 000,00 F, sont confiés à un entrepreneur du nom de Krauss. Hélas, quelques mois plus tard, le 25 décembre 1884, l’île est secouée par un tremblement de terre. La construction qui n’est qu’à son début s’effondre. Et on découvre que les fondations n’étaient pas suffisantes. La mairie attaque l’entrepreneur ; qui incrimine l’édilité, selon un scénario classique dans les litiges de marchés publics. Toujours est-il que le 10 février 1886, un arrêt du contentieux administratif de la Martinique, arrête définitivement les travaux. Six ans pour rien. La mairie loge chez le particulier Une municipalité qui devient S.D.F ? Le trait n’est pas forcé. Puisque l’emplacement rapidement baptisé « l’ancienne mairie », devient un terrain vague. Là, broutent des cabris au milieu de ferrailles rouillées, pointant sinistrement vers le ciel. Et pendant ce temps, la municipalité siège… Dans des maisons particulières, louées par la collectivité locale. C’est le cas du 7 de la rue Victor Hugo, du 69 de la rue Schoelcher, de l’école des garçons de la rue Perrinon en juin 1890, de la rue Ferdinand de Lesseps ou de la maison Bediat à la rue Ernest Renan. Tristes tropiques ! Surtout qu’en 1896, Henry Audemar le maire en place, décide de reprendre les travaux. Ce qui a pour conséquence un procès de Krauss contre la mairie. Et l’impression de replonger dans un bourbier inextricable… Jusqu’à ce que Victor Sévère, élu maire en 1900, trouve un terrain d’entente : les héritiers Krauss touchent un dédommagement de 33 000,00 F, versés par la colonie. Les travaux peuvent enfin débuter. Sous la direction d’Edgar Cappa, l’agent voyer communal. Là, tout va très vite. Le 21 septembre 1901, la mairie au fronton de laquelle est gravée la devise « Semper Francia » est inaugurée ; après trois jours de liesse. Éric Hersilie-Héloïse ©E. H-H Hors-texte : À la place du couvent Saint-Victor Pour ceux que chagrine l’ambiguïté d’un théâtre situé dans une mairie. Ceux qui inclinent pour l’explication selon laquelle Aimé Césaire étant aussi homme de culture, ceci expliquerait cela, un rappel historique éclaircit tout. Au conseil municipal du 20 septembre 1875, le président Gustave Peux décide d’édifier une mairie avec salle de spectacle à la place des Quatre Noirs : l’actuel parking de la rue Perrinon. En fait, la mairie se fera presque en face : là où deux siècles plus tôt s’élevait un couvent. Car la zone qui va de l’ancienne école Perrinon, à l’hôtel de ville, en passant par l’ex Maison Centrale et l’ex gendarmerie, appartenait à la congrégation de Capucins, depuis 1672. À l’emplacement de la mairie, se trouvait le collège Saint-Victor. Construit 1768, il fonctionne grâce à la caisse des affranchis de la Martinique et une partie des droits sur les cabarets de la Guadeloupe. Une belle organisation qui fonctionnera jusqu’en 1793, date de la fermeture du site. Alors débute une période obscure. Ainsi, en 1837, on y retrouve l’administration communale. Jusqu’en 1839 où un tremblement de terre détruit tout. Tel le phœnix, Saint-Victor renaît de ses cendres… Sous la forme d’un hospice de la charité. Hors-texte Louis Jouvet y est passé Avec ses 250 places, le théâtre municipal surprend les amateurs de « grandes barres ». Lors de son inauguration en 1912, il remplace l’ancien théâtre municipal de 1849, détruit par l’incendie de 1890. Restauré en 1984, c’est véritablement un petit bijou à l’italienne : balcons, poulailler et peintures illustrant la négritude, réalisées par Catherine Théodose. Un joyau chargé d’histoire, puisque Louis Jouvet entre autres, y jouera l’École des femmes et l’Annonce faite à Marie, en 1944. Légendes photos : 1- La devise « France toujours », a été ajoutée aux armes de la ville. Victor Sévère expliquera : « C’est le serment gravé sur la pierre et plus profondément encore dans nos cœurs, d’être toujours Français ou de ne pas être ». 2- Selon certains manuscrits d’époque, le trésor de l’église, c’est-à-dire les vases sacrés et autres objets précieux, aurait été caché dans ce terrain. La chose remonterait à 1789 et serait l’œuvre de Capucins. 3- Qui se souvient, que dans cette cour le 27 mai 1848, l’abbé Morel bénissait l’arbre de la Liberté ; suivi un mois après par l’arbre de la Fraternité ?IMG_1559
20 avril 2008

Découverte du Galion

Patrimoine

Le Galion et la dynastie Bougenot

En 1724, Isaac Dubuq ajoute à l’empire fondé par son aïeul en 1658, l’habitation le Galion à Trinité. En 1 849 Eugène Eustache, un Belge d’Anvers débute son ascension en achetant le Galion. Ce site est résolument voué aux dynasties.

Pour paraphraser une formule désormais célèbre on pourrait dire qu’en mars 1849 on assiste avec Eugène Eustache à la manifestation du « changement dans la continuité ». Changement de propriétaire. Et continuité, puisque le Galion est l’un des plus anciens joyaux de ce que l’on a appelé « l’empire de la dynastie Dubuq » ; qui s’étend sur deux siècles et disparaît en 1848 pour être remplacé par une lignée qui "règne" encore aujourd’hui. Certains ont même déclaré que le Galion était passé des mains d’une dynastie agricole qui s’était lancée dans la politique et le commerce, à celles d’une autre née du négoce reconvertie dans l’agriculture. De fait, ce qui frappe aujourd’hui quand on regarde le Galion, c’est cette idée de dynastie et de patrimoine transmis de génération en génération, durant cent cinquante-neuf ans.

Prête-nom et antichrèse

Pourtant, la succession de ces deux dynasties ne saurait faire oublier que le déclin des Dubuq ou si l’on préfère l’arrivée des négociants à la tête du Galion, débute vingt ans plus tôt. En effet dès le 8 mai 1820, Jacques-Marie Lalanne, un riche négociant de Saint-Pierre, se porte acquéreur du Galion et de Grand Fonds ( " à la barre du tribunal " ). C’est une promotion sociale à l’époque ; car, si les négociants dirigent en fait toute l’économie de l’île, les planteurs (« ces messieurs de la Martinique ») représentent l’aristocratie sociale. A sa mort, son fils Paul et son gendre Jean-Emile Merlande (fort de ses 98 esclaves), prennent sa succession. Pour peu de temps, car en 1842 ils font appel à la société Eugène Eustache et Compagnie de Saint-Pierre, pour payer le passif (120 393, 98 frcs) ; la caution étant un bail d’antichrèse (contrat par lequel un débiteur remet un immeuble lui appartenant à un créancier pour garantir l’exécution d’un contrat ; à taux variable) signé le 27 juillet 1843, aux termes duquel, Eugène Eustache devenait usufruitier du Galion. Pendant six ans, Paul Lalanne et Emile Merlande resteront propriétaires des habitations, mais ne pourront rembourser les sommes dues.

En 1849, pour la troisième fois, les habitations sont mises en adjudication et deviennent propriété d’Eugène Eustache… Enfin, Le Galion et Grands Fonds seront rachetés officiellement par Angélique Elisabeth Chaperon, veuve en premières noces de Louis Eustache et en secondes de François Louis Poulain : C’était la propre mère d’Eugène Eustache et elle reconnaîtra par lettre du 6 décembre 1850, avoir agi comme prête-nom au bénéfice de son fils. Et pour cause, puisqu' en 1848 Eugène Eustache avait été déclaré en état de faillite !

Vingt ans pour bâtir un empire

Mais il voulait garder le Galion et avait déjà l’ambition de reconstruire à son nom, l’empire des Dubuq. En 1858 il achète les habitations de Spoutourne et Caravelle, en 1863 Bord-de-Mer, Desmarinières en 1865, Morne-Galbas et Malgré-Tout en 1866, Fonds-Galion deux ans plus tard, Petit-Galion et Mignot l’année suivante. Soit deux mille trois cent quarante-quatre hectares de canne à sucre, acquis en vingt et un ans ! Emile Bougenot et ses descendants continueront l’oeuvre après sa mort en 1883: puisque quatre ans plus tard c’est l’acquisition de La Digue, Beauséjour en 1890, Gaschette en 1893, Duferret en 1904 et enfin diverses parcelles en 1910.

Certains voient là l’expression d’une sorte de mégalomanie, dans le genre du Cityzen Kane d’Orson Wells ? Peut-être, mais à cela il faut ajouter l’aspect visionnaire de cet homme qui avait compris avant d’autres, la révolution industrielle et le principe d’intégration des trusts modernes.

En 1860, alors qu’il est fixé à Paris depuis de nombreuses années, il décide de faire construire sur ses terres une usine centrale dont l’édification revient à la société Desrone et Cail : le maître d’œuvre étant Emile Bougenot son futur gendre. Dès cette époque, on voit poindre une nouvelle catégorie économique et sociale, dans le monde de la canne : Les industriels. Ils ont l’outil industriel, mais sont tributaires de la matière première qu’ils doivent chercher dans de multiples habitations, dont ils ne sont pas forcément maîtres de la production. Avec le Galion, c’est « deux en un », pourrait-on dire. Seul le Lareinty au Lamentin, avait la même structure, parmi les vingt et une usines centrales qui comptait l’île au début du siècle dernier. En 1986, quand il s’agira de choisir entre le Galion et le Lareinty (autrement dit les héritiers Bougenot et le groupe Hayot), pour créer la Société Agricole d’Economie Mixte, la bataille sera homérique. Car là planaient les ombres de deux géants : Eugène Aubéry et Eugène Eustache.

Eric Hersilie-Héloïse

©E. H-H

Sources : C. Schnakenbourg, Lucie Villeronce, M. Mousnier, Emile Eadie, Jacques Petitjean-Roget, Yves Le Guay, Eric Georges-Picot, Mathieu Le Guay, Philippe Duchamp de Chastaigné, Annie Noé-Dufour.

Hors-texte

*La maison principale

Classée monument historique, depuis 1991, la maison du Galion est de facture classique du XIXe siècle. De dimensions "respectables" (30 x 10 m au sol), elle se compose d’un rez-de-chaussée en maçonnerie chaulée, d’un étage en " bois du nord " (construit après le cyclone de 1891) recouvert d’un bardage en "éternit" (ardoise)  , ayant remplacé les essentes de bois, originelles ; le tout surmonté d’un toit en tuiles écailles.

À l’intérieur, meubles régence, gravures d’époque et…une "case à eau" comprenant 37 jarres d’alimentation : une rareté.

*Un porche peu banal

À moins de passer par le jardin, le visiteur est obligé de passer sous un porche en pierre, véritable paradoxe avec le reste de l’habitation. De fait, cette œuvre imposante, est arrivée là par voie de cabrouets en 1873 ; venant de l’habitation Gaschette que les descendants d’Eugène Eustache acquerront vingt ans plus tard.

20 avril 2008

Page de garde

Vivre aux Antilles

_ric_au_journal_dec_2004Côtoyant la cinquantaine, Eric Hersilie-Heloïse (journaliste reporter cartede presse n°50576) est actuellement reporter chef de centre, à la rédaction de l’hebdomadaire « le magazine »; après avoir participé à la création en 1991 de son ancêtre France-Antilles Magazine et en avoir été le responsable de rédaction, jusqu’en janvier 2008. Il n'en est pas à sa première expérience,puisque dès l'âge de 25 ans, il était rédacteur en chef d'un des premiers magazines Antilloguyanais, Antilles-Guyane Actualité. Avant, il avait déjà collaboré au magazine Flash Antilles Afrique tout en se consacrant à Radio Tour Eiffel, Radio jet et RFO Paris. Il comprend alors l'importance des repères et modèles identitaires créoles pour notre jeunesse. Et débute alors sa série de portraits de grands hommes tels Gaston Monnerville,Jean-José Clément ou Gérard La Viny. Puis, il revient en Martinique et est engagé au cabinet d'Emile Maurice au Conseil Général ; puisque ses études de Sciences politiques étaient censées faire de lui un spécialiste de la politique. Durant ces quelques années exaltantes, il continue conjointement sa carrière de journaliste en free lance à France- Antilles où il lance une rubrique randonnée et une rubrique artistique qui le conduira à ouvrir sa propre galerie d'art. Son passage à la Sorbonne en histoire médiévale, ayant fait naître chez lui le goût du passé, il commence à « fureter » dans les « jours anciens » de la Martinique et développe l'idée que le patrimoine va bien plus loin que le tambour : même si à l'époque, son mémoire de sciences politiques traitait des « fonctions politiques de la musique aux Antilles ». Son désir d'écrire sur le patrimoine et sur l'histoire ne le quittera plus. Ce blog est donc une porte ouverte sur les Antilles, sa cultureet ses hommes. 

NB : Les photos et textes de ce blog ne peuvent être reproduits sans l’accord de son auteur, sous peine de poursuites.©E.H.H

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